Conte merveilleux .L’homme sauvage.

L’homme sauvage

(ATU 502)

Autres Versions –  Grimm n°136, Der eiserne Hans (Jean de fer) – Straparole V, 1, Guerrin… délivra un homme sauvage…

Version Nivernaise.

Un roi gardait enfermé dans une cage un sauvage pris dans les bois, et il tenait beaucoup à ce sauvage.

Ce roi avait un fils. L’enfant jouait avec des oranges qu’il faisait rouler jusque près de la cage. Une des oranges y tombe et l’enfant la redemande au sauvage. Mais celui-ci lui dit :

  • Lâche-moi, si tu veux que e te la donne.
  • Je ne le peux pas.
  • Je vais te dire comment faire. Ta mère a les clefs de ma porte dans sa poche de tablier. Va lui dire que tu as des cousins dans la tête, elle te peignera et tu lui prendras la clef.

Il y va, et prend la clef pendant que sa mère le pouille. Il ouvre la cage au sauvage qui lui rend sa pomme d’orange, et se sauve. L’enfant retourne vers sa mère et lui dit :

  • J‘ai encore des poux.

Et lui remet les clefs dans sa poche.

Quand le roi vit le sauvage parti, il s’en prit à sa femme puisque c’était elle qui détenait les clefs.

  • Ce n’est pas moi, dit-elle, je ne sais comment cela s’est fait.
  • Je vais te tuer ! C’est bien toi.

Alors au dernier moment, l’enfant révéla toute la vérité. Le roi dit à deux hommes :

  • Emmener-le loin dans la forêt. Tuez-le et rapportez-moi sa langue et son cœur.

Ces hommes, dans la forêt, allaient tuer l’enfant, quand le sauvage arriva :

  • Allez-vous en ! leur commanda-t-il. Tuez un chien et porter au roi la langue et le cœur.

Et il emmène l’enfant avec lui. Il lui donne un anneau qui tue tout ce qu’il touche.

  • Ne vas pas chez vous, lui dit-il ; va quelque part demander de l’ouvrage.

Le jeune prince s’en va, rencontre un paysan, demande à changer ses habits car il avait peur d’être reconnu. Puis il va demander de l’ouvrage dans une ferme, il entre garder les bœufs.

  • Mais prends garde, lui dit-on, il y a un géant dangereux.
  • Moi je n’ai pas peur.

Ses vaches ne devaient pas dépasser la limite du pré, mais comme il n’y avait plus d’herbe, il les laisse entrer dans le bois. Le géant arrive.

  • Retire tes vaches !
  • Non, elles y sont bien.
  • Petit, je te tue !

Mais l’enfant, d’un coup d’anneau, tue le géant. Il s’en retourne avec ses vaches  et ne raconte pas ce qui s’est passé ; il dit n’avoir rien vu. Le lendemain il lâche ses vaches dans les bois, où elles s’enfoncent ; il trouve ainsi le château du géant où celui-ci vivait avec d’autres géants ; ils étaient douze en tout. Il entre, il y en avait encore onze : il les tue tous. Restait la mère des géants, la plus maligne. Il se sauve devant elle autour d’un puits ; ils tournaient tous deux autour, brusquement il se détourne, lui donne un coup d’anneau, et la tue. Il devient maître du château et des trésors. Puis il remmène ses vaches à la ferme sans rien raconter.

Un jour, une princesse des environs voulut se marier et décida de choisir dans tous les jeunes garçons rassemblés. Ses maîtres lui dirent cela :

  • Va donc aussi, toi.
  • J’irais peut-être.

Le lendemain il mena ses vaches vers son château, et se fit atteler deux chevaux à un carrosse. Il était en retard pour la réunion, et il arriva au grand galop. Il était joli. Quand la princesse le voit passer, elle demande à le voir, le choisit, et l’épouse. Il emmène la princesse dans son château, puis retourne vers son père et se fait reconnaître.

 

Notes :

Légende racontée par
Source :  Collecte : Achille  Millien  et Paul Delarue.

Commentaire de Paul Delarue.

Bien qu’on retrouve le thème outre-Atlantique, et au Siam, sa répartition est, avant tout, européenne.

Ce qui frappe ici, c’est la cohérence de la première partie, proprement caractéristique du type, face à la relative diversité e la seconde partie, presque toujours empruntée à un autre type. Si la classification d’Arne-Thompson renvoit pour l’analyse du thème notamment au T.314, les version françaises prouvent cependant que l’alliance avec le T.300 (Versions. 6,7, a,b,c,) et celle avec le T.314 A (Versions, 3,4,9) sont également fréquentes. Plusieurs versions françaises confirment l’alliance avec le T.314 (Versions, 2,5,12,14, et éléments dans les versions 7 et 9). L’introduction par le T.884A : « La reine éprise de la fille déguisée en garçon » commune à deux de vos versions bretonnes (6 et 8), mérite d’être soulignée ; elle s’explique par le rôle « démystificateur » dévolu à l’homme sauvage, et qui subsiste nettement dans l’une des deux versions (version 8).

Deux  faits frappent encore dans certaines de nos versions bretonnes : Le remplacement de l’homme sauvage par un oiseau merveilleux (Motif I, A2) dans les versions, 7,10,11 ; le nom de Merlin (Merlik, Murlu) porté par l’être capturé dans les vers 6,7,8 ; nom qui se retrouve dans les versions canadiennes (a,b).. Cette identité de nom entre l’homme sylvestre de nos contes et le célèbre enchanteur de la littérature arthurienne qui possèdent l’un et l’autre des pouvoirs divinatoires pose des problèmes de relations entre traditions orales et textes écrits (Vita Merlini, Roman de Merlin).

Autre possibilité d’interaction entre littérature écrite et tradition orale : l’Histoire de Valentin et Orson, un des livres populaires qui de la fin du XV° siècle au milieu du XIX°, on tété les plus lus en France, raconte également comment Valentin s’empara d’Orson, homme des bois au corps velu, qui semait l’épouvante autour de lui.

Autres versions.

 Grimm n°136, Der eiserne Hans (Jean de fer) – Straparole V, 1, Guerrin… délivra un homme sauvage…

  1. Deulin, Cambrinus (1874). Caillou qui biques. (Proche de la version de Grimm)
  2. L’homme de fer (Lorraine)
  3. Merkelbach-Pinck, (Loth)
  4. Millien-Delarue (Nivernais)
  5. Millien-Delarue (Nivernais). L’homme de fée.
  6. (Bretagne). Le Murlu ou l’homme sauvage
  7. Cadic, (Bretagne). Georgic et Merlin
  8. Divanach, (Basse Bretagne.) Merlik
  9. Massignon G. (Basse Bretagne) Le petit homme sale.
  10. Revue des traditions populaire (1896) Le petit oiseau (P. Sébillot)
  11. Félice C. (Haute Bretagne) Le petit oiseau d’or.
  12. Pineau, C. ( Poitou). L’arbre d’or.
  13. Malga, (Cantal, Lot , Corrèze). Petit Georges et le beau Sauvage.
  14. Webster, (Basque). The grateful Tartaro and the Heren Suge
  15. Pourrat, (Trésor des contes) Le conte du beau sauvage…