Proverbe cévenol
Marchand de grano ou be de vi,
Trouvas n’un franc, sarés prou fi
Marchand de graine ou bien de vin
Trouvez en un franc, vous serez bien malin.
Les graines de vers à soie
Quand il était jeune le père Laborie élevait des vers à soie, comme tout le monde. Cette année-là un nouveau marchand de « graines » (les oeufs des papillons) est passé dans les mas du quartier « Vous paierez lorsque vous aurez récolté les cocons, mon brave ».
Laborie fait éclore les oeufs, mais il n’y en a que la moitié qui sortent … les autres oeufs, rien du tout ! Alors il examine de près les oeufs non éclos. » Mais ce sont des oeufs de poisson ! Ah, je vais lui faire comprendre que je ne suis pas dupe ! » Tout en continuant à élever ses vers à soie, le père Laborie va au Gardon, il pêche un grand baquet de petits poissons, et après la bonne friture à la maison, il garde toutes les queues des poissons avec l’arête centrale. Puis dans son jardin, il prépare une belle plate-bande de terre bien fine, et il plante les queues de poisson, les unes à côté des autres.
Les vers à soie ont fait leurs cocons, les cocons ont été vendus. Le marchand revient. » Alors, mon brave, on a eu de beaux cocons, cette année ? »
» Y’avait la qualité, mais y’avait pas la quantité. La moitié des oeufs n’a pas donné de vers à soie … mais ils ont tous donné quelque chose, venez voir dans mon jardin. » Et devant la plate-bande de queues de poisson, bien sagement alignées : » Voilà ce qu’a donné l’autre moitié des oeufs « .
Le marchand se sentait mal. » Mon ami, ne me payez rien cette année, c’est gratuit, c’est cadeau pour vous. Mais surtout mon ami, je vous fais confiance, ça reste entre nous. Chut ! »
» Mais oui, fait le père Laborie. » Et à chaque queue de poisson, il ordonne : chut, chut, chut.
D’après un récit recueilli par Jean-Noël et Nicole Pelen, in: Récits et contes populaires des Cévennes/1. , Paris, Gallimard, pp. 139 – 140