La petite souris et le petit charbon de feu
Une version canadienne d’une randonnée bien connue en France
Il y avait, une fois, une petite souris et un petit charbon de feu.
Un jour, la petite souris dit au petit charbon de feu:
-« Veux-tu, nous allons traverser la rivière? »
– « Comment veux-tu traverser la rivière? Nous n’avons pas de chaloupe. »
– « Ce n’est pas malin; nous allons mettre deux brins de paille en croix et nous traverserons dessus. »
– » Tu n’es pas folle! Tu sais bien que je mettrai le feu à la paille et
que je me nèyerai. »
– « C’est toi qui es fou, petit charbon de feu. Comment pourrais-tu mettre le feu à la paille dans l’eau? L’eau l’éteindrait tout de suite. Viens donc, peureux! »
Il proteste bien un peu, mais elle le tourmente si fort qu’il se laisse gagner.
La petite souris prend deux brins de paille, les met en croix et les pose sur la rivière. Elle fait embarquer le pauvre petit charbon de feu, qui avait bien peur, allez! Elle pousse la paille au large.
-« Bon voyage! lui crie-t-elle, je vas aller te rejoindre betôt. »
Mais elle avait à peine dit cela qu’elle voit une petite fumée sur l’eau. Le petit charbon de feu avait mis la paille en feu. Il voulut se débattre, mais il tomba à l’eau et mourut, malgré ses efforts. La petite souris qui le voyait s’en aller en drive, tout noir, riait comme une petite folle. Elle rit si fort qu’elle creva sa petite panse. « Bon, dit-elle, me voilà bien plantée ! Je suis punie pour ce que j ‘ai fait. A ‘d’heure, comment faire? . . . Je vais aller chez le cordonnier pour me faire coudre. »
La voilà partie. Marche, marche. De peine et de misère, elle arrive chez le cordonnier. -« Bon cordonnier, voulez-vous me coudre ma petite panse, s’il- vous-plaît? » – » Je te la raccommoderais ben, mais je n’ai pas de soies pour mettre à mon ligneul. Va dire à la truie qu’elle me donne des soies pour mettre à mon ligneul, et je te coudrai ta petite panse. » La voilà partie . . . Arrive chez la truie. -« Bonne truie, voulez- vous me donner des soies pour que le cordonnier en mette à son ligneul et qu’il me couse ma petite panse? « – « Je t’en donnerais ben, mais je n’ai rien à manger. Va dire au meunier de m’envoyer du son ; je te donnerai des soies pour le cordonnier. » Elle s’en va chez le meunier. -« Bon meunier, voulez-vous me donner du son pour la truie, qui me donnera des soies pour que le cor- donnier me raccommode ma petite panse? » – « Je t’en donnerais ben, mais je n’ai pas de grain à moudre. Va demander au champ de me donner du grain, et je te donnerai du son. » Pauvre petite souris, la voilà qui part. Marche, marche, en tenant ses tripes à poignées. Elle arrive au champ. – « Bon champ, voulez-vous me donner du grain pour le meunier, pour qu’il me donne du son pour la truie, qui me donnera des soies pour le cordonnier, pour qu’il me raccommode ma petite panse? » – » Comment veux- tu que je te donne du grain? Je suis pauvre comme tout. Va dire au bœuf de me donner du fumier pour m’engraisser, et je te donnerai du grain pour le meunier, qui te donnera du son pour la truie, qui te donnera des soies pour le cordonnier, pour qu’il te recouse ta petite panse. » Elle s’en va donc trouver le bœuf. Le bœuf lui demande d’aller lui chercher de l’eau à la rivière, parce qu’il a soif. La voilà encore partie. Elle va à la rivière chercher de l’eau et l’apporte au bœuf, qui lui donne du fumier, qu’elle porte au champ, qui lui donne du grain pour le meunier. Le meunier lui donne du son qu’elle porte à la truie. La truie lui donne des soies pour le cordonnier. Le cordonnier met des soies à son ligneul, puis coud la petite panse de la petite souris. La petite souris remercie le cordonnier et s’en va en courant, promettant bien de ne plus déchirer sa petite panse. Moi j’ai pilé sus la queue de la petite souris, qui a fait: Quit-quit! Mon conte est fini.