Le Pont naturel de Saint Jean près d’Aiguevives dans l’Aude
Très intéressant par lui-même, splendide observatoire, permettant à l’oeil d’examiner tout le repli de terrain depuis la Montagne Noire jusqu’à l’Alaric, un pareil site ne pouvait manquer d’exciter la verve des conteurs durant les longues veillées d’hiver :
» Tout le monde sait qu’à une époque, le pays était décimé par les fièvres paludéennes. Les villages d’alentour se trouvaient chaque année plus ou moins atteints. A ce propos, les malins racontent qu’après la disparition des moines du prieuré, tous les ans, le 24 juin, vers minuit, des fées en grand nombre se rendaient sur ce pont pour clôturer, à leur manière, la fête de Saint Jean.
Tandis que tout dormait aux environs, ces fées, revêtues ce soir là de leurs plus beaux atours, se voyaient servir comme par enchantement le festin le plus somptueux qu’on puisse imaginer; à la fin, ivres de joie, elles ôtaient leurs riches parures et, tout autour d’un grand feu, dont la flamme montait jusqu’au ciel, elles dansaient la farandole in albis.
Puis, après de nouvelles et copieuses libations, elles tiraient au sort pour désigner le village qui aurait les fièvres l’année suivante. Mais, soit préférence, soit rancune à l’égard de tel ou tel village, certaines fées en venaient parfois à se quereller, à se disputer furieusement, à se prendre même aux cheveux !!!
Finalement, suivant que le sort en était jeté et proclamé, Aigues-Vives, Saint Frichoux, Laure, Puicheric, Badens ou Marseillette devenait, l’année d’après, victime des fièvres pestilentielles. »
Pauvres fées ! Le défrichement de l’étang et l’assainissement de toute la région circonvoisine, conséquence heureuse de cette oeuvre remarquable, leur ont causé un irréparable dommage, au grand dam des curieux qu’aurait singulièrement intéressés la scène du feu de la Saint Jean.