Les paysans qui élevaient des vers à soie achetaient au printemps « des graines », c’est-à-dire des œufs de papillons d’où sortiraient les chenilles, es « vers à soie ». Les marchands de « graines » passaient de mas en mas et vendaient à crédit les minuscules œufs de vers à soie à couver. Lorsque les vers avaient fait leurs cocons, que les cocons étaient vendus aux filatures, ces marchands revenaient dans les mas réclamer leur argent.
Une année, un marchand voulait se faire beaucoup d’argent et il mélangea les graines de vers à soie avec des œufs de poissons. Les gens se plaignaient « Nous avons couvé les œufs, mais seulement la moitié est sortie, les autres ne naissent pas. Au bout du compte, nous avons payé ces œufs deux fois plus cher que ce qu’on aurait dû »
Un des paysans fit naître les petites chenilles de vers à soie, et comme à ses voisins il lui resta la moitié des œufs qui n’avaient jamais éclos. Il les examina à la loupe « Mais ce sont des œufs de poisson, ah ce marchand nous a volés ! » Il réfléchit puis il alla au Gardon pêcher quelques poissons. A la maison il en fit un repas, mais garda les queues avec les arêtes. Il les conserva jusqu’à la fin de la saison de la soie, jusqu’à ce qu’il ait vendu ses cocons, comme tous ses voisins. A ce moment, le marchand de graines revenait dans la région pour se faire payer.
Alors, ce paysan alla dans son jardin potager, prépara une plate-bande de terre bien fine, et y planta les arêtes de poissons avec les queues qui sortaient.
Quelques jours après, le marchand arriva, jovial « Alors, mon brave, le temps a été beau pour les feuilles de mûrier ? » Le paysan « Oui, les mûriers ont été beaux cette année ».
Le marchand « Les vers ont bien mangé d’après ce qu’on m’a dit » Le paysan « Les vers ont bien mangé, bien grandi et bien coconné ».
Le marchand « La soie était de bonne qualité, je suis sûr ». Le paysan « Bonne en qualité, mais pas en quantité »
Le marchand « Ah ! D’une année sur l’autre, on ne peut pas prévoir. Vous avez pu vendre votre soie, vous pouvez me payer les graines maintenant ? ». Le paysan « Ah ! Je ne vous dirai pas ça ! Beaucoup de voisins se plaignent que la moitié des graines ne naissaient pas. Ce sont des nigauds, ils n’ont pas trouvé la façon de la faire naître. Venez donc dans mon potager »
De la plate-bande sortaient les queues de poisson. « Moi, j’ai trouvé. Voyez comme elle germe, cette graine ! » Le marchand se voit découvert « Mon brave, ne dites rien autour de vous. Ne me payez rien, vous ne me devez rien pour cette année. Mais… chut ! »
Conte conté par Sylvie Ferrandier
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