Dans un de ses livres, Mythologie Primitive, L. Lévy-Bruhl n’hésite pas à rapprocher les contes de Perrault des mythes australiens et papous.
Il cherche alors à préciser les causes de l’attirance qu’ils exercent et écrit à ce sujet :
«Peu de personnes, chez nous, se montrent insensibles au charme de ces contes. Grands et petits s’y plaisent également. Sans doute on ne les met pas en balance avec les chefs d’œuvre des littératures, classiques ou modernes. Mais ce qu’ils apportent, on sent, d’instinct, qu’il serait vain de le chercher ailleurs. La saveur qu’on y trouve est unique. D’où vient cette impression, si vive, et si générale? — Précisément de ce qu’ils nous mettent en contact avec le monde fluide de la mentalité primitive.»
Pourquoi considérons-nous comme des impossibilités les transformations merveilleuses qu’ils nous décrivent? «La raison en est, sans doute, au moins pour une part, dans le caractère rationnel de la civilisation que l’antiquité classique a établie et nous a léguée (?).»
La réalité a été soumise aux lois de la nature et de la pensée logique: tout ce qui leur échappe cesse de faire partie du réel. Mais cette exclusion a été longue à établir, et n’est ni universelle, ni inébranlable. «Ainsi cette exclusion, bien que rationnelle, ou plutôt parce que rationnelle, comporte, même là où elle est habituelle, une contrainte, et, selon l’expression courante, un refoulement. Ces tendances, laissées à elles-mêmes, pousseraient l’esprit dans une tout autre voie. Pour y résister sans faiblir, il lui faut surveiller jusqu’à ses moindres démarches et se faire constamment une sorte de violence.
Là se trouve la raison profonde du charme qui l’attire vers les contes du folklore, et la séduction de leur langage.
Dès que nous y prêtons l’oreille, cette contrainte est suspendue, cette violence fait trêve. En un instant, d’un seul bond, les tendances refoulées regagnent le terrain perdu. Quand nous écoutons ces contes, nous : abandonnons voluptueusement l’attitude rationnelle, nous ne sommes plus soumis à ses exigences… Ce relâchement, tout le temps qu’il dure, nous flatte au plus profond de nous-mêmes…C’est plus qu’une récréation. c’est une détente. La jouissance qu’elle nous procure va bien au-delà du simple amusement »
Et Lévy-Bruhl de conclure avec le poète : « Si Peau d’âne m’était conté, J’y prendrais un plaisir extrême » .