Les concepts de récits de vie et histoire de vie ne sont pas distingués de manière claire dans l’usage, on les utilise souvent comme synonymes. En fait, les deux ont pour caractéristique commune d’être un produit oral supposant la collaboration entre une personne qui parle de sa vie et une autre (ou des autres) qui l’écoute(nt) et qui intervien(nen)t de façon plus ou moins active dans le discours.
Pour ce qui est de la différence entre ces deux genres biographiques oraux, on peut accepter ce que suggère Daniel Bertaux. Pour lui le «récit de vie» se limite exclusivement au témoignage d’un narrateur. Il résulte de l’interaction entre ce dernier et son (ou ses) interlocuteur(s).
L’histoire de vie, pour sa part, est racontée puis complétée, enrichie et recoupée par d’autres données, obtenues le plus souvent par des entretiens oraux parallèles, menés dans l’entourage du narrateur principal. L’histoire de vie recours éventuellement aux archives écrites. Comme le dit Marie José Tubiana, l’histoire de vie « passe par la recherche et la critique des sources, l’évaluation du témoignage, la structuration des données selon certaines lignes de force pour aboutir à une meilleure connaissance des personnes et du rôle qu’elles ont joué ».
Fonctions :
– Le récit de vie au-delà de son rôle de témoignage singulier sur un espace-temps, sur l’histoire, peut aussi devenir un acte de thérapie sociale.
– Le récit de vie construit un témoin, produit une représentation performante, une oeuvre, incluant l’individu dans une trame narrative plus ou moins achevée, qui lui permet de se situer dans une logique d’existence tendant vers, le libérant, en déployant au travers de ce qui pourrait apparaître comme une simple fiction, des astreintes passées et à venir.
– Pour élaborer un récit de vie, le narrateur trouve, face à l’enquêteur, des ressources linguistiques qui lui sont propres, dans une stratégie d’affirmation ou de différenciation de sa personnalité à travers sa façon de se dire.
– Le récit de vie est l’occasion de cristalliser une recomposition identitaire, rejetant « l’exclusion » subie, mettant à distance les appartenances décrétées et réifiant dans le même mouvement les appartenances choisies.
– Loin de se limiter à un témoignage, le récit de vie provoqué par l’enquêteur, devient une sorte d’acte libératoire, de travail effectif d’inclusion pris en charge par le témoin.
Pour d’autres, le récit de vie constitue le type parfait du matériau sociologique car les représentations subjectives de la situation deviennent un élément d’étude aussi important que les faits objectifs eux-mêmes. Selon le philosophe W Dilthey, l’accessibilité au mode humain n’est accessible que de l’intérieur, contrairement au monde naturel accessible de l’extérieur. Il propose alors que l’objet même des sciences humaines soit d’appréhender la réalité historique et sociale dans ce qu’elle a de singulier, par un processus interne, par l’expérience et la compréhension. Dans cette perspective, c’est le social tout entier qui se trouve logé dans la biographie, celle-ci se confondant avec l’objet même des sciences humaines.
Pour aller plus loin
Partie 1
Partie 2
Écoutez la conférence « Le récit de vie, se dire pour partager une expérience » par Marc Aubaret (2008, Alès)
Les récits de vie ne sont généralement pas considérés comme faisant partie du corpus des genres spécifiques de la littérature orale. Ils sont toutefois inclus dans les formes narratives orales et peuvent se révéler, de ce fait, intéressants pour toutes les personnes se questionnant sur les modes de communication orale.Au cours de cette conférence, nous traiterons du récit de vie comme biographie, comme transmission de mémoire personnelle et surtout comme mode artistique contemporain. Nous envisagerons aussi ses fonctions dans le champ des études en sciences humaines.
Quelques exemples…