Anthropologie et littérature orale : une application essentielle pour la compréhension et l’analyse des récits et la création de nouvelles œuvres
La démarche anthropologique à la base de la méthodologie d’analyse de la littérature orale du CMLO
L’étude de l’être humain dans sa globalité culturelle et sociale est essentielle à l’analyse de la littérature orale.
La littérature orale s’est toujours trouvée sur le chemin des anthropologues. Ces derniers, s’intéressant avant tout aux peuples sans écriture, ont trouvé dans cette matière un ensemble de récits extrêmement structurés qui témoignaient des organisations propres à chaque culture mais aussi qui révélaient de nombreuses convergences entres les diversités culturelles de la planète.
Dans la recherche menée par le CMLO, dès le départ, la composante ethno-anthropologique a été centrale et a constitué un axe permettant d’articuler la réflexion sur la littérature orale entre la pratique artistique et ses applications de terrain. Le CMLO a mené un travail novateur dans la structuration d’un domaine de recherche qui, bien que central dans les intérêts « traditionnels » de l’anthropologie pour les mythes, pour l’oralité et pour les sociétés de tradition orale, n’a jamais constitué une branche disciplinaire à part entière.
La littérature orale, cet oxymore aujourd’hui officialisé, s’affiche comme un contenant d’un nombre important de genres qui, la plupart du temps, se retrouvent sous des formes et des fonctions différentes et qui, pour certaines formes (mythes, contes, légendes devinettes,…) semblent être, comme la parole, partagées par l’ensemble de l’humanité.
Cette caractéristique ne pouvait que poser question à tous les voyageurs qui depuis la nuit des temps colportaient ces récits d’un pays à un autre.
Les sciences humaines en général et l’anthropologie en particulier, ont depuis toujours observé ces récits en se posant de nombreuses questions à leur sujet, tentant d’en définir les fonctions, d’interpréter la raison de cette constante dans les différentes civilisations et leur présence dans un temps apparemment aussi long que celui de l’humanité.
La littérature orale, les contes et les mythes plus particulièrement, se sont vus questionnés sous diverses formes.
Selon l’approche anthropologique du CMLO, les récits de littérature orale seraient :
Ces différentes fonctions qui se recroisent dans les genres de la littérature orale ont tout à gagner d’une lecture anthropologique.
Malgré le fait que plusieurs sciences humaines peuvent apporter des regards éclairants sur ces multiples rôles des genres, l’anthropologie, en tant que science de l’Humain dans sa complexité sociale et culturelle, amène une méthodologie d’analyse et des pistes de réflexions théoriques qui sont particulièrement pertinentes pour la matière de la littérature orale.
Conteurs et anthropologues
Pourquoi les conteurs, qui tentent aujourd’hui de s’afficher comme des artistes, seraient intéressés par les sciences humaines (et tout spécialement l’anthropologie culturelle ou sociale) ?
Longtemps, ils ont été les seuls dépositaires des contes et leurs uniques transmetteurs. Avec le développement technique, le livre d’abord, les archives audiovisuelles ensuite, ont fait leur apparition les déchargeant d’une part importante de leur fonction.
Mais au-delà de la part de conservation, les conteurs ont aussi une autre tâche beaucoup plus difficile à remplacer: celle de créateur de variantes qui transforment les récits. Par la projection de nouveaux archétypes, de sentiments de conflits refoulés qui émanaient des nouvelles structures sociales familiales comme autant de reflets et d’indices du développement des sociétés et des idées, et des déplacements spatiaux temporels, les conteurs en tant que créateurs produisent des contes originaux.
Toutefois, cette fonction-là est beaucoup plus difficile à assurer que celle de la conservation. Peut-être est-elle aussi plus importante dans notre société contemporaine car elle permet d’offrir aux jeunes générations des récits qui font intelligence sur une part essentielle de l’histoire de l’humanité et qui met en exergue les permanences de l’humain, ces parts archétypales qui sont les socles de nos ressemblances et qui rendent moins conflictuelles nos différences.
En outre, cette prise en charge qui se faisait naturellement jusque dans les années Cinquante par la transmission et la tradition s’est retrouvée interrompue par la matérialisation des supports. Le livre est une archive essentielle, mais il n’est, comme le dit si bien Catherine Zarcate:
« Qu’un aliment congelé qui ne trouvera ses qualités nutritives, qui ne nous donnera du plaisir, qu’après sa décongélation et sa préparation ».
C’est cette cuisine-là que les sciences humaines et l’anthropologie peuvent nous aider à élaborer. Son regard analytique sur ce patrimoine s’est fondé depuis des siècles et nous offre des moyens pour mieux saisir le sens profonds d’un récit ancien, qui peuvent nous permettre de reconstituer les contextes d’émission de cette orature, et de ce fait d’en saisir les sous-jacents.
En effet, les magnétophones, les transcriptions, les notations, les vidéos n’ont pas su saisir ces parts de transmission informelle qui pourtant sont indispensables à une bonne transmission, à une transmission qui permettra une recréation, mais une recréation qui ne rompra pas le lien profond avec les récits antérieurs, qui ne sera encore en notre XXIème siècle rendre intelligibles certains fondamentaux de l’Humanité.
Pour les conteurs et les conteuses, le CMLO, en tant que centre de ressources avec sa démarche anthropologique, apporte ces précieux outils analytiques, méthodologiques et pratiques qui permettent un travail créatif authentique.
Si anthropologues et ethnologues ont su, de par la spécificité de leur discipline, observer et participer aux us et coutumes des peuplades aux traditions les plus disparates, il n’est pas question ici de transformer les conteurs en scientifiques chevronnés. Il s’agit plutôt d’élargir la boite à outils des conteurs avec une rigueur scientifique, une passion anthropologique pour le fonctionnement des sociétés et de leurs récits pour développer leur élan créateur !
D’autres disciplines de sciences humaines utiles à la littérature orale ▼
Pour aller plus loin
Écoutez la conférence « Littérature orale et anthropologie » par Marc Aubaret (2009, Alès)
La littérature orale s’est toujours trouvée sur le chemin des anthropologues. Ces derniers, s’intéressant avant tout aux peuples sans écriture, ont trouvé dans cette matière un ensemble de récits extrêmement structurés qui à la fois témoignent des organisations propres à chaque culture et révèlent de nombreuses convergences entre les diversités culturelles de la planète. Au cours de cette conférence, nous éclairerons l’histoire de cette relation entre littérature orale et anthropologie et nous analyserons les grands courants méthodologiques qui en sont fondateurs.
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Pour aller plus loin
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