19èmes RENCONTRES DU CMLO
Féminin, masculin et au-delà dans la littérature orale
Deux journées de réflexions, d’analyses théoriques et de pratique sur la thématique ainsi que des spectacles et autres moments contés !
Cette année, le Centre Méditerranéen de Littérature Orale (CMLO) organise à Alès les 19èmes Rencontres du CMLO, le 23 septembre 2023. Notre objectif au cours de ces rencontres est d’amener une réflexion sur les liens entre les récits issus de la tradition orale, le genre féminin, le genre masculin, la non-binarité et la transmission d’une parole symbolique.
Dans les années 1950, la philosophe et essayiste française, Simone de Beauvoir résumait ainsi, les représentations et les rôles des femmes et des hommes dans les contes merveilleux : « Elle apprend que pour être heureuse il faut être aimée ; pour être aimée, il faut attendre l’amour. La femme c’est la Belle au Bois dormant, Peau d’Âne, Cendrillon, Blanche Neige, celle qui reçoit et subit. Dans les chansons, dans les contes, on voit le jeune homme partir aventureusement à la recherche de la femme ; il pourfend les dragons, il combat les géants ; elle est enfermée dans une tour, un palais, un jardin, une caverne, enchaînée à un rocher, captive, endormie : elle attend. Un jour mon prince viendra… Les refrains populaires lui insufflent des rêves de patience et d’espoir »[1]. Depuis les années 1970, l’idéologie patriarcale véhiculée dans le conte de fées a fait l’objet de critiques dans les milieux universitaires féministes et au-delà. De nos jours, dans le contexte du mouvement #metoo et des nombreuses mobilisations féministes et LGBTQI +[2], les assignations genrées, femme passive/femme objet vs homme proactif, transmis via ces récits sont également décriées.
Mais de quels récits parle-t-on ? De quelles versions ? Est-ce que les figures féminines dans les contes sont-elles vraiment toujours autant vulnérables qu’il n’y paraît ? N’y a-t-il pas aussi, dans les contes, plusieurs niveaux de lecture et de compréhension, voire un sens caché ?
En effet, même s’il peut paraître naïf de prime abord, le conte, véhicule en filigrane les valeurs, les codes d’une société. Il décrit des situations et des personnages qui sont autant d’archétypes retrouvés dans toutes les cultures. Certes, le conte vise à une certaine permanence, il évolue indéniablement au fil des siècles et des mutations sociales et culturelles. Une des transformations majeures qui s’opère à partir du XVIIème siècle est, sans doute, celle du passage du conte oral, transmis majoritairement par les femmes, à l’objet littéraire, fixé à l’écrit, principalement par des hommes (Perrault, Grimm, puis Andersen). Instrumentalisé par les idéologies patriarcales et aristocratiques qui prévalent durant cette période, il s’éloigne de sa fonction populaire, émancipatrice et initiatrice pour devenir davantage moralisant et éducatif. C’est durant cette période et, ce jusqu’au XIXème siècle que les contes deviennent davantage porteurs de stéréotypes de genres.
Partant de ce postulat, il nous a semblé nécessaire de comprendre cet héritage culturel générateur de sens pour mieux le transmettre et le faire évoluer en prenant en compte l’émancipation des identités féminines, masculines et multiples du XXIème siècle.
Nous avons donc organisé, durant six journées (janvier à juin 2023), dans le cadre du séminaire dédié au féminin et au masculin dans les contes merveilleux du domaine francophone. Nous avons tenté d’apporter un éclairage sur cette matière à partir, entre autres, de personnages féminins connus issus du répertoire oral traditionnel. Nous avons questionné leur adaptation à l’évolution des mœurs et proposé des versions moins connues mais plus subversives. C’est le résultat des recherches menées à partir des contributions présentées durant ce séminaire qui sera valorisé au cours de ces Rencontres.
Outre, cette restitution, nous aborderons les rapports hommes/femmes, héros/héroïnes, dieux/déesses dans les mythologies occidentales. Les mythes prennent, aussi, sources dans la mémoire collective. Ils sont un outil de compréhension du monde. Ils remontent à la création, organisent l’au-delà et expliquent aux hommes les principes qui doivent guider leur vie. Mais comment transmettre des récits mythologiques, dont l’homme est souvent le protagoniste sans contribuer à la perpétuation de stéréotypes de genres ? Comment prendre en charge les figures androgynes et homosexuelles que l’on retrouve souvent dans ces récits pour qu’ils deviennent porteurs d’émancipation et non de transgression ? Toutes ces nouvelles questions contribueront à l’élaboration du programme de recherche du séminaire 2024 qui sera dédié aux genres dans les mythologies.
Vendredi 22 septembre 2023
9h30-12h30 1/2 journée professionnelle « Contes merveilleux et pédagogie »
½ journée de théorie et de pratique
Par Catherine Caillaud, conteuse, enseignante en lettres modernes et formatrice CMLO
À partir d’un exemple concret, élaboration collective d’utilisations pédagogiques possibles du conte merveilleux.
Discussion et partage au sein du groupe puis apports théoriques de Catherine Caillaud, pour compléter cette approche, qui place les applications de la littérature orale au cœur de l’enseignement.
CMLO, espace André Chamson, 2 Bd Louis Blanc , Alès
12h00-18h Les conteurs envahissent la ville et ses quartiers
Les conteurs envahissent la ville d’Alès ainsi que ses quartiers et offrent des contes à ceux qui prendront le temps de partager ce bel instant !
En partenariat avec les associations, la Cantine Solidaire de Rochebelle, Voyages culturels, le Centre social Les bancs publics (La Clède), la crèche des Lutins avec la participation entre autres des artistes, Teddie Allin, Claire Chevalier, Catherine Caillaud, Kamel Guennoun, Solène Rasera
12h00 : la Cantine Solidaire de Rochebelle, en présence de l’Association Voyages Culturels
15h00 : une crèche alésienne
15h00-16h30 : atelier cercle de paroles vivantes et de récits merveilleux, Raïa (en cours de validation), animé par la conteuse Solène Rasera
17h30 : le centre social Les bancs publics
Gratuit
10h Spectacle scolaire : Pleure pas bonhomme !
Par Lodoïs Doré, conteur (Compagnie Coryphée)
C’est l’histoire d’un gars, d’un p’tit gars, un bout d’homme un peu bizarre aux cheveux immensément longs. Un garçon qui a perdu son père et qui ne fait que pleurer. Sa mère se remarie avec un homme qui a un garçon grand et fort aux yeux secs. Le p’tit gars au cœur tendre ne leur plaît pas trop, alors ils se moquent de lui, le rabaissent, l’humilient… Le p’tit gars ravale ses larmes et s’enfuit, il se cache dans la cuisine, fais les repas, la vaisselle, la lessive… Et pendant que son beau-frère sommeille dans des draps de soie, lui dort dans les cendres du foyer.
Cette histoire est celle d’un Cendrillon. Conte revisité avec tendresse, subtilité et humour qui pose la question du genre.
Public scolaire uniquement
Durée: 1h15 minutes
Médiathèque Alphonse Daudet (MAD), Alès
Samedi 23 septembre 2023
9h : accueil café et présentation des Rencontres par la Présidente et Vice-Présidente du CMLO, Catherine Caillaud et Josiane Mazé
9h30-12h30 Synthèse analytique du séminaire dédié au féminin/masculin dans les contes merveilleux du domaine francophone
Marc Aubaret, ethnologue spécialiste de la littérature orale et fondateur du CMLO
12h30-14h30 Pause repas
14h30-15h15 la transgression des normes de genre dans le Livre des Rois de Ferdowsi (Iran)
Amirpasha Tavakkoli est docteur en sciences politiques et ATER à Sciences Po, Toulouse
Dans cette épopée magistrale, nous trouvons plusieurs personnages féminins extraordinaires qui dépassent les normes de la sexualité admise, dans l’objectif de combattre le mal. La fabrique du genre comme la fluidité des identités sexuelles sont des thèmes qu’on peut étudier à travers ces héroïnes hors normes. Par ailleurs, certaines d’elles sont devenues des icônes et des sources d’inspiration de révolution femme, vie, liberté.
15h15-16h Nkolo Foe et la question de la représentation féminine : par de-là la perpétuation de stéréotypes de genres et la construction d’une société osiro-isiaque
Hervé Toussaint Ondoua est docteur en philosophie du langage, professeur à l’École Normale supérieure de Bertoua (Cameroun)
Comment corriger la tradition philosophique de la nature humaine par la question de la femme ? Cette question mérite d’être posée car certaines images issues de la mythologie laissent souvent transparaitre que la femme a été introduite comme l’ajout de ce qui était absent. Nkolo Foe suggère que l’on conserve l’héritage de la mythologie égyptienne. Celle-ci transcende la perpétuation de stéréotypes de genres. Pour illustrer la place primordiale accordée à la femme, Nkolo fait référence à la mythologie osiro-isiaque. Isis est le symbole de la femme qui affronte le patriarcat pour briser le tabou du pouvoir. Contrairement à son frère époux Osiris, considéré comme celui qui est perpétuellement bon, Isis symbolise une figure ambiguë : elle est certes le modèle des épouses et l’incarnation de la fidélité conjugale, mais elle apparaît aussi sous la figure d’une redoutable sorcière. Elle affronte le dieu Rê dans un duel impitoyable. Elle s’attaque ainsi à l’un des plus redoutables tabous liés à la sacralité de la personne du roi ou de dieu. L’affront d’Isis contre Rê apparaît comme une illustration de la transgression du tabou de connaissance par la femme. Loin d’être une damnation et de culpabilité, la transgression du tabou de connaissance se présente en Égypte sous le mode de la Rédemption. Et l’honneur de cette Rédemption découle de la femme. A partir de ce qui précède, nous pouvons nous interroger : sans contribuer à la perpétuation de stéréotypes de genre, la véritable émancipation de la femme ne doit-elle pas se faire sous le mode de la construction d’un État d’amour osiro-isiaque ?
16h15-17h15 Table ronde : comment les conteur.se.s se saisissent de la réflexion sur le genre dans leur recherche et leur pratique ?
Helène Guers, conteuse
Le féminin et le masculin dans les mythes et épopées au-delà des apparences vers les fondamentaux
« Distinguer le fond et la forme, pour aller vers la profondeur, du symbole à la magie. Dans un monde dont les valeurs changent, la mythologie reste un point d’appui sur la loi cosmique universelle et donne du sens et du bon sens dans une société désarticulée. Si l’interprétation qu’on en fait ne passe pas les barrières sociales et contextuelles qui sont parfois figées dans une vision étriquée des écrits de l’époque, nous risquons de perdre pour toujours les trésors d’une tradition de sagesse qui va au-delà de la forme vers une dimension verticale et qui nous relie entre ciel et terre. Que nous enseigne la nature, notre nature profonde à travers ces mythes millénaires ? ».
Charly Mullot, (Elle / Il / Iel) cultive une identité plurielle et interdisciplinaire, alternant entre le conte, l’écriture, la mise en scène, la radio et le drag.
Contes, mythes et figures QUEERS
Les contes traditionnels, sans qu’on ne les altèrent, sont un terreau déjà chargé et propice à la réflexion sur le genre, la norme et les dynamiques d’oppressions.
L’intervention de Charly Mullot portera sur ses recherches concernant des figures QUEERS de la mythologie grecque et des contes traditionnels, ainsi que sur ce que cela peut impliquer d’être un.e conteuse trans non-binaire (dans le regard du public ainsi que le dans le rapport au répertoire et à la communauté folklorique).
Solène Rasera, conteuse
Contes et féminisme
« J’aime à dire que à l’heure d’aujourd’hui l’imaginaire est une ZAD, une Zone A Défendre. A défendre contre la colonisation et l’uniformisation des images imposées par les écrans invasifs, à défendre contre la confiscation, l’amputation et l’atrophie des rêves et des possibles par le contrôle du verbe et de la langue. Je crois qu’en matière d’égalité femme/homme/autre, les imaginaires sont même une Zone A Découvrir, une zone à ouvrir, peut-être la 8eme porte trop longtemps défendue ? Vastes tâches que celles des conteur.euses ! »
Auditorium, Pôle culturel et scientifique de Rochebelle – 155 faubourg de Rochebelle, Alès
20h30 Spectacle « Soirée contes érotiques »
En partenariat avec le Cratère
Par Carole Joffrin, conteuse et Jihad Darwiche, conteur
Deux conteur(se)s, deux spectacles distincts, deux répertoires complémentaires qui séduiront un large public…
Jihad Darwiche
Conteur
Spectacle
L’érotisme et la poésie dans la tradition arabe…
« Dans les traditions arabe et méditerranéenne, ce sont surtout les femmes qui racontaient les contes coquins lorsqu’elles se retrouvaient entre elles au hammam ou pendant la préparation des gâteaux pour les fêtes.
Les enfants, garçons et filles, étaient tolérés et prêtaient une oreille attentive. Ils apprenaient, ainsi, comment nos ancêtres, les parents du monde, ont fait la découverte de l’amour, mais aussi l’art de tromper un mari de la façon la plus drôle. Des contes à la frontière de l’érotisme et de la poésie qui se laissent déguster avec délices ».
Public : Adultes et ados à partir de 14 ans – Durée : 1h00
Portrait
Jihad Darwiche est né à Marwaniyé, un petit village du Sud-Liban. Son enfance a été bercée par les contes, les joutes poétiques qui sont encore très populaires de nos jours et les récits traditionnels de l’Orient que racontaient sa mère et les femmes du quartier. Il habite ensuite la vieille ville de Saïda, où la tradition du conte est encore vivace. Dans les ruelles étroites, les voisins passent leurs matinées à discuter d’une fenêtre à l’autre et à se raconter les rêves de la nuit (de vrais contes de fées) en buvant le café à la cardamome… Après avoir étudié successivement à Beyrouth puis à Montpellier, Jihad devient journaliste, métier qu’il exercera de 1974 à 1983 avant de devenir conteur en 1984. Depuis, il intervient dans les festivals et théâtres, en France comme à l’étranger, pour partager ses spectacles, transmettre son amour du conte et former la nouvelle génération (ateliers d’écriture, accompagnement à la création, stages de formation à l’art du conte,…). Le temps d’un spectacle ou pour une nuit entière, son répertoire couvre un large éventail allant des épopées anciennes aux récits contemporains en passant par les contes traditionnels comme les Mille et Une Nuits. Dès ses débuts, il participe activement au renouveau du conte dans les pays francophones et arabophones. Il est intervenu lors de nombreux colloques sur l’art et le travail du conteur, et a publié plusieurs articles dans des revues spécialisés en France, Pologne, Québec… Auteur d’une trentaine de livres de contes et d’une douzaine de cd-audio, il est, et a été, conseiller, directeur et co-directeur artistique de plusieurs festivals : Festival des Alpes-Maritimes, Festival Yeleen au Burkina Faso, Festival de Saint-Denis à la Réunion avec Hassane Kouyaté, Festival de contes de Djibouti, Festival du conte et du monodrame au Liban.
Carole Joffrin
Conteuse et chanteuse
Spectacle
Autour du plaisir des femmes
Entre poésie et subversion, les vieilles histoires et la conteuse d’aujourd’hui, chansons impertinentes, marionnette sanguine !
Carole y chante l’amour dans sa diversité, la liberté et la beauté.
Des histoires de femmes qui, à travers le monde et les époques, cherchent leur plaisir.
Public : Adultes et ados à partir de 14 ans – Durée : 1h15
Portrait
Après un parcours mêlant la danse, le théâtre, le chant, marquée par le corps en jeu du mime, du masque et de la marionnette, Carole trouve dans le conte et le chant ses moyens d’expression privilégiés. Depuis 2012, elle crée des spectacles et raconte des histoires. Elle a suivi des formations avec différent.e.s conteuses et conteurs, notamment Michel Hindenoch et Catherine Zarcate. Régulièrement, elle retourne vers le clown pour nourrir la femme et la conteuse. Sa pratique a pour base les contes et les chants de tradition orale. Forte de son parcours pluridisciplinaire, elle propose des formes de spectacle variées. Elle peut aussi bien donner un spectacle de conte assise sur une chaise, comme dans L’arbre qui pense…qu’en musique, mouvements, marionnettes et décors, comme dans Autour du plaisir des femmes. En 2020, elle renoue avec ses premières amours en se faisant autrice et comédienne dans un duo de théâtre musical et burlesque tout public, Bourriques ! Elle a crée, en duo avec Neda Cainero, la compagnie Han ! On dit d’elle qu’elle chantait avant de parler…Après différents projets, aujourd’hui c’est dans le duo Les Hauts Talons d’Achille que Carole donne de la voix, accompagnée de Théo Morel au oud, chant et percussions. Convaincue par les bienfaits de la parole et les espaces d’humanité qu’ouvrent les contes, elle aime provoquer la rencontre, dans mais aussi en dehors des circuits de diffusion culturelle. Au théâtre, en maison de retraite, foyer d’accueil, à l’école ou dans la forêt, il y a toujours une histoire, un chant à faire résonner, avec pour seuls outils son corps et sa voix. Conteuse voyageuse, elle sème sa parole sur le territoire Français, mais aussi au-delà des frontières ( Algérie, Roumanie, Burkina Faso, Togo, Bénin, Suisse, Tunisie…).
Public : à partir de 14 ans
Durée: 2h15
Le Cratère, salle d’à côté, Alès
NB : Les réservations pour la soirée Contes érotiques programmée en partenariat avec le Cratère, peuvent se faire uniquement via la billetterie en ligne qui ne sera ouverte que le 16 septembre : https://lecratere.fr/spectacle/soiree-cmlo-contes-erotiques/
De nombreuses places ont déjà été réservées par les personnes abonnées au Cratère, si vous souhaitez participer à cette soirée, veuillez nous le faire savoir en vous inscrivant aux Rencontres , ou en réservant vos places impérativement le 16 septembre à partir du lien ci-dessus.
[1] BEAUVOIR Simone de. Le deuxième sexe. L’expérience vécue (Tome 2), pp.43-44. Edition Gallimard : 1949
[2] Lesbienne, Gay, Bisexuel(le), Trans, Queer et Intersexe et Asexuel(le) ou Aromantique