Les relations entre littérature orale et pédagogie vont bien au-delà de l’« utilisation » des contes comme objet pédagogique : des sociétés où l’oralité est au centre de la formation à la découverte des potentialités du riche répertoire oral dans les enseignements, milles sont les facettes d’une application essentielle.
La littérature orale : bien plus qu’un outil pédagogique
La relation étroite entre pédagogie et littérature orale s’articule sur plusieurs axes, en reflet du contexte culturel et de la place que l’oralité a dans les sociétés.
La pédagogie est aujourd’hui liée à la notion d’enseignement, d’éducation, de formation et d’apprentissage. Elle a dépassé le simple acte technique, en se constituant comme véritable science. Il est ici question d’analyser les rapports que cette discipline et ses applications directes tissent avec l’oralité en général et la littérature orale dans le spécifique.
La pédagogie est souvent porteuse, dans les systèmes éducatifs des sociétés occidentales, de l’apprentissage de l’écriture. Contrairement aux systèmes d’apprentissage orales traditionnels, depuis l’établissement des institutions scolaires, l’écrit prend souvent une place centrale dans les enseignements. Le travail sur l’oral est souvent auxiliaire et se concentre plus sur l’oralisation de textes écrits/prévus pour l’écrit qu’un véritable travail sur le code oral.
Cependant, les études et les expériences menées on pu démontrer des apports extrêmement riches de la littérature orale à la pédagogie.
La littérature orale peut apprendre l’écriture
Bien qu’à première vue, cela paraisse paradoxal, il est évident dans la pratique pédagogique que l’utilisation de l’oralité et encore plus d’un recours scientifiquement fondé à la littérature orale, permettent de discerner les codes de l’écrit et de l’oral, en développant ainsi la maîtrise de l’écriture.
Travailler la mémoire : se souvenir et comprendre
La littérature orale, dans sa dimension traditionnelle qui fait abstraction des supports écrits, fournit des techniques de mémorisation qui vont bien au-delà d’un apprentissage par cœur. En comprenant les structures et les stratégies des textes orales, on arrivera métaphoriquement à gagner une meilleure compréhension de la société et in fine à faire vivre la mémoire dont les traditions orales sont porteuses.
La conscience kinesthésique du non-verbal
Dès le plus jeune age, la littérature orale peut contribuer à développer et maîtriser la notion de mouvement, d’état de corps, de mimique. Le corps « parle » : la parole n’est pas qu’une partie infime de la communication, qui passe par des éléments contextuels souvent sous-estimés. La notion du non-verbal, acquise par la littérature orale, mène à la conscience du métalangage et avec possibilité d’analyser le langage pour arriver à mieux la maitriser.
Développer les processus créatifs
En classe ou en dehors, avec les contes et les autres genres de la littérature orale, il est possible, par différents biais, de stimuler et développer la créativité. Il s’agit ludiquement non seulement de travailler la mise en mots, qui est l’étape finale, mais non ultime, de la littérature orale à travers le plaisir et les images mentales multisensorielles.
À l’origine, ce n’est pas dans notre société que le conte et la littérature orale sont objets d’éducation.
Dans un premier temps, éclairer les origines de cette fonctionnalité permettra de mieux la ramener à notre société. Suzy Platiel a questionné le recours à la tradition orale dans l’éducation chez les Sanan du Burkina Faso, permettant d’élargir le questionnement des rapports entre littérature orale, écriture et apprentissage dans des sociétés qui ne recourent pas traditionnellement à l’écriture.
De nos jours et la plupart du temps, le conte est chez nous utilisé comme objet pédagogique. De toute évidence, dans les sites liés à l’enseignement, on découvre beaucoup de matériaux, de projets intitulés « conte ». On remarque cependant que « conte » et « oralité » ne sont pas toujours associés. Demeure la notion d’écrire des contes. Corollairement aussi celle de lire des contes. On peut dès l’abord noter une confusion extrêmement forte entre la notion d’oralisation et la notion d’oralité. Le CMLO a toujours œuvré pour éclaircir cette différence et ainsi définir clairement ce que la littérature orale peut réellement apporter dans l’enseignement contemporain.
Les formations et les recherches du CMLO ont tenté de répondre à des questions sur les rapports entre littérature orale et pédagogie. Après avoir tenté de démêler ce qui est l’apprentissage, l’éducation, l’enseignement et quels mécanismes sont sous-jacents à chaque processus,
Comment le conteur peut intervenir en classe ? Le conte et l’apprentissage de la langue ? Le conte et l’apprentissage de la lecture ? Comment apprendre à conter aux enfants ? Quelles capacités et compétences sont développés dans l’apprentissage du contages et avec les contes ? Comment savoir choisir son répertoire en fonction des besoins pédagogiques des élèves ?
Au fil du temps, le CMLO a collecte et analysé des témoignages d’expériences dont la richesse et la variété ont montré la multiplicité des possibles en matière d’intervention et des fonctions éducatives de la littérature orale, de la petite enfance au lycée professionnel.
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Un monde sans merveilleux est un monde mort.
« Si durant toute sa vie l’homme devait s’en tenir au connu, rester limité au petit groupe de phénomènes qu’il sait, par éducation et atavisme, relier entre eux et constituer en un réseau de relations, ce filet purement utilitaire ne pourrait manquer de devenir un piège d’ennui, une prison sans désirs dans laquelle il serait condamné à pourrir enchaîné, entre le pain noir et l’eau croupie de la logique. »Michel Leiris, Le Merveilleux, Didier Duvillez Éditeur, 2000